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Tebello Nyokong, la Sud-Africaine qui se bat contre le cancer à coups de laser

A la tête du département de chimie médicinale de l’université Rhodes, la sexagénaire expérimente la technique de la « photothérapie dynamique ». A l’écouter, il n’y a pas grand intérêt à s’attarder sur son cas. D’ailleurs, à 68 ans, elle ne fait « plus rien » elle-même : « Certains étudiants m’interdisent même de m’approcher des lasers, ils ont peur que je les casse. » Tebello Nyokong a de l’humour. A la tête du département de chimie médicinale et de nanotechnologies de l’université Rhodes, à Grahamstown, en Afrique du Sud, elle est l’une des scientifiques les plus respectées du continent africain. Sa spécialité : les lasers, précisément, qu’elle utilise pour activer des molécules capables de tuer des cellules cancéreuses. La technique, appelée « photothérapie dynamique », consiste à injecter des molécules photosensibles au cœur d’une tumeur, puis à les exposer à un rayonnement laser afin de provoquer une réaction... Voir Plus
A la tête du département de chimie médicinale de l’université Rhodes, la sexagénaire expérimente la technique de la « photothérapie dynamique ». A l’écouter, il n’y a pas grand intérêt à s’attarder sur son cas. D’ailleurs, à 68 ans, elle ne fait « plus rien » elle-même : « Certains étudiants m’interdisent même de m’approcher des lasers, ils ont peur que je les casse. » Tebello Nyokong a de l’humour. A la tête du département de chimie médicinale et de nanotechnologies de l’université Rhodes, à Grahamstown, en Afrique du Sud, elle est l’une des scientifiques les plus respectées du continent africain. Sa spécialité : les lasers, précisément, qu’elle utilise pour activer des molécules capables de tuer des cellules cancéreuses. La technique, appelée « photothérapie dynamique », consiste à injecter des molécules photosensibles au cœur d’une tumeur, puis à les exposer à un rayonnement laser afin de provoquer une réaction chimique avec l’oxygène présent dans les cellules cancéreuses, qui devient toxique. Le but : contourner les effets secondaires des chimiothérapies classiques. Le procédé fait déjà l’objet d’essais cliniques en Europe, aux Etats-Unis et en Russie. De son côté, l’équipe de Tebello Nyokong travaille sur une molécule dérivée de la teinture pour jeans. Elle rêve d’en faire le premier traitement contre le cancer né en Afrique du Sud. Hébergé dans l’une des plus anciennes universités du pays, son département attire des chercheurs de tout le continent. Le matin de notre visite, une dizaine d’étudiants en blouse blanche penchés sur leurs paillasses témoignent du « privilège » de travailler ici. « A Kinshasa, nos laboratoires se résument à de grandes salles vides. Faute d’équipement, il faut compter dix ans pour finir un doctorat », explique Yolande Openda, originaire de République démocratique du Congo (RDC). A côté d’elle, Rodah Soy, venue du Kenya pour son master, opine : « Vous avez besoin de quelque chose ? Demandez à la professeure, elle le trouve ! » L’affirmation est à prendre au premier degré. Un étage plus bas, au détour d’une enfilade de salles réfrigérées, Tebello Nyokong passe en revue ses trésors : XPS, TOF-SIMS, EPR… Chacun de ces équipements au nom impossible coûte plusieurs dizaines de milliers d’euros. Son bijou – elle le surnomme « le vaisseau spatial » – vaut 6 millions d’euros. « En général, les gens sont estomaqués quand ils découvrent nos installations. Peu de laboratoires peuvent se vanter d’avoir autant d’équipements sous le même toit », explique la chimiste, qui confie « passer son temps » à demander de l’argent. Entre township et montagnes « L’Afrique est en train de devenir un pôle scientifique, mais la plupart des pays manquent encore d’équipements et de financements solides », poursuit Tebello Nyokong, qui a bâti l’essentiel de ses recherches sur des fonds publics et développé un centre de recherche en partenariat avec l’entreprise para-étatique minière Mintek, afin de stimuler les échanges avec l’industrie. De plus, son département multiplie les collaborations avec des universités étrangères. Canada, France, Allemagne, Chine… La professeure exige que ses étudiants voyagent. « Je veux qu’ils soient exposés au monde extérieur. Le problème, c’est que c’est certains, à l’étranger, ont l’impression de nous faire une faveur », regrette la scientifique. Il y a quelque temps, elle a rompu un partenariat avec une université japonaise qui refusait d’envoyer ses étudiants en Afrique du Sud : « Ils ne voyaient pas l’intérêt de venir chez nous. Je dis non. Même si leurs installations avaient été meilleures, on a toujours à apprendre des autres. » Tebello Nyokong n’aime pas la charité. Née en 1951 au Lesotho, elle a grandi dans le township de Sharpeville, à 50 km de Johannesburg. Elle n’a pas 9 ans quand, le 21 mars 1960, la police sud-africaine ouvre le feu sur les habitants rassemblés pour réclamer l’abolition du système de passeports intérieurs qui interdit à la population noire de se déplacer librement. Le massacre fait 69 morts, le Congrès national africain (ANC, aujourd’hui au pouvoir) est interdit peu de temps après, et Tebello Nyokong est renvoyée chez ses grands-parents au Lesotho. Dans ce royaume montagneux, la petite fille passe la moitié de son temps à l’école, l’autre à garder les moutons. Elle aiguise son sens de l’observation : « Dans la nature, il faut manger, se diriger, vous êtes obligés de connaître votre environnement pour survivre. » Poussée par son entourage qui lui répète que « la science, ce n’est pas pour les filles », elle entame un cursus littéraire au lycée, avant de mener une petite révolution pour rejoindre la filière scientifique. « Tout ce que je savais, c’est que je voulais une éducation », dit-elle. « Le Canada m’a rendue plus africaine » La chimie lui offre mieux que ça. En 1978, Tebello Nyakong s’envole pour le Canada grâce à une bourse. Un choc : « Je n’avais jamais vu autant de Blancs de ma vie ! », lâche t-elle dans un éclat de rire. « Le Canada, ajoute-t-elle, m’a rendue plus africaine. » Elle y passe plus de dix ans avant de rentrer sur le continent, blessée de constater que « l’Afrique est systématiquement racontée sous ses aspects les plus sombres ». « A force d’entendre parler de catastrophes, vous finissez par regarder d’où vous venez et vous dites : “Attendez, il n’y a pas que la guerre et les maladies ici, nous sommes des gens normaux”. » En 1992, elle atterrit à l’université Rhodes, décidée à former de nouveaux cerveaux. Trente-deux ans après le massacre de Sharpeville, l’apartheid se fissure tout juste. « On m’a longtemps surnommée “la Canadienne”, se souvient la professeure. J’étais plus acceptable parce que j’avais étudié à l’étranger, je ne pense pas qu’un autre Sud-Africain noir aurait eu le job. » Isolée, elle se plonge dans le travail et multiplie les distinctions, jusqu’à devenir la première Sud-Africaine à recevoir le prix L’Oréal-Unesco pour les femmes et la science, en 2009. « Cette récompense est comparable à un prix Nobel à mes yeux. J’ai dû faire une centaine d’interviews en quelques jours, ça permet à l’Europe de réaliser que la science ne se pratique pas qu’en Occident. » Et à l’Afrique de comprendre qu’elle n’est pas réservée aux hommes. Le parcours de Tebello Nyokong a contribué à changer le regard porté sur les femmes scientifiques, estiment ses étudiantes. « Aujourd’hui, envoyer une fille en sciences n’étonne plus personne en Afrique du Sud, explique Nthabeleng Molupe, 28 ans. Le plus compliqué est d’expliquer aux gens pourquoi vous êtes encore à la faculté après toutes ces années. Pour eux, vous faites un doctorat, donc vous êtes docteur. Régulièrement, les gens me demandent de les soigner. » Ils n’ont pas complètement tort : c’est en réalisant que la chimie pouvait traiter les corps que Tebello Nyokong s’est prise de passion pour les molécules. Reduire
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